REQUIEM de MOZART
Les circonstances qui entourèrent la commande du Requiem furent bien mystérieuses. Au XIXème siècle, il a donné lieu à toute une littérature qui fut enjolivée par un certain romantisme alors que les circonstances réelles furent bientôt parfaitement connues. Le commanditaire est en fait le Comte von Walsegg-Stuppach qui habite alors en basse Autriche. C’est un personnage assez bizarre et pitoyable qui ne sortait jamais de son château éloigné. Il a la singulière habitude de donner en audition des œuvres commandées auprès de musiciens étrangers et de les faire passer pour siennes. Il donne à ses domestiques l’ordre de recopier les partitions achetées, ou parfois les recopie lui-même. Il demande ensuite à ses hôtes et amis de deviner
« qui est l’auteur de l’œuvre jouée ».
Chacun fait alors mine de croire que c’est le comte Walsegg, comme en témoigne Anton Herzog, chef de chœur et directeur de l’école principale : » Comme monsieur le comte ne voulait pas d’œuvre gravée, il les faisait joliment recopier sur du papier à musique de dix portées, mais sans jamais en donner l’auteur. Il recopiait lui-même les partitions qu’il donnait, de sa propre main en gardant toujours le nom de l’auteur secret. Nous n’avons jamais vu de partitions originales. Les quatuors étaient alors joués devant nous et nous devions deviner l’auteur. Nous avancions alors le nom de monsieur le comte lui-même, habitués à l’entendre composer de petites choses. Il souriait et se réjouissait alors de nous avoir mystifiés dans son esprit ; mais nous riions de ce qu’il nous prêtât une telle naïveté ! Nous étions jeunes gens et tenions cela pour un plaisir que nous faisions à notre seigneur. C’est ainsi que la mystification se prolongea entre nous durant quelques années. «
Le comte Walsegg commanda en fait ce requiem pour la mort de sa femme en février 1791. Bien sûr, il conserva son anonymat. Il transmit la commande par un intermédiaire ; il s’agissait du fils du maire de Vienne. Ce dernier apparaîtra plus tard dans la littérature comme « le messager en gris ». L’intermédiaire bien sur refusa de donner son nom à Mozart et lui déconseilla même de chercher à découvrir son identité. Il offrit immédiatement une rétribution de 50 ducats. Mozart qui a cette période manquait d’argent accepta évidemment. La somme de 3000 Florins était tout de même promise à la fin de l’œuvre. Mozart décéda sans terminer le Requiem, ni même toucher le solde de son salaire. A la mort de ce dernier, seul le » Requiem æternam « et le » Kyrie » étaient totalement achevés. Les basses et les parties vocales du » Dies Irae » jusqu’à la huitième mesure du » Lacrimosa « étaient aussi écrites à quoi s’ajoutent quelques indications d’orchestrations. Le » domine Jesu » et L’ » Hostias » se présentaient de la même manière.. Le reste, c’est à dire le « Sanctus« , le « Benedictus » et « Lux aeterna« , manquaient totalement. La femme de Mozart, Constanze demanda à l’élève de Mozart, Franz-Süssmayer qui avait reçu les dernières indications du maître, de terminer le chef-d’œuvre. D’une part, afin de toucher la somme promise en fin de travail et d’autre part, pour honorer les derniers souhaits de son défunt mari. On chercha alors qui pourrait bien continuer du « Mozart » sans se ridiculiser. L’affaire était compliquée, car personne n’était à la hauteur. Seul Süssmayer détenait quelques éléments susceptibles de l’aider dans cette lourde tâche. Süsmayer commença alors par recopier les paritions de Mozart et continua l’œuvre. Il réalisa l’instrumentation de la séquence et de l’Offertoire d’après les indications de Mozart, compléta le Lacrimosa à partir de la neuvième mesure et recomposa les quatre dernières parties pour lesquelles il disposait des esquisses de Mozart. Enfin pour la communion, il se rapporta au Requiem et au Kyrie. Soucieux de faire cette œuvre aussi homogène que possible, il recopia intégralement les deux premiers mouvements. Le comte Walsegg reçut donc une œuvre dont aucune page n’était de la main de Mozart. Constanze avait gardé les originaux de son époux. On ignore si elle pût percevoir le solde de ce travail, mais la vitesse à laquelle elle remboursa ses dettes après le décès de son époux laisse penser que oui, elle toucha bien la somme prévue. Cependant le comte paya au prix fort une œuvre qui n’était pas conforme aux accords conclu avec Mozart, et pour cause. Le comte aurait pu prendre de sérieuses mesures à l’encontre de la veuve Mozart, mais il n’en fit rien et paya vraisemblablement par bonté de cœur autant que par amour de la musique. Le comte recopia cependant cette partition. La première audition eu donc lieu le 14 décembre 1793 à WienerNeustadt. La partition originale est désormais en lieu sûr, car Constanze la rendit publique. Les pages comportent trois écritures différentes et leur lecture est très émouvante. Les parties vocales (portées 8-11) et la basse continue (ligne du bas avec basse chiffrée pour l’orgue) sont de la main de Mozart. Les parties de cordes et de bois (violon I et II, alto, cor de basset I et II et bassons portée 1-5) sont de la main deF.J Freystädtler, et les parties de trompette et de timbale (portées 6-7) sont de la main de Süssmayer. L’écouter, mais l’écouter vraiment, comme Mozart disait » entendre », est une invitation au voyage ; un voyage au fond de soi. L’écouter et l’entendre, est, pour un mélomane croyant, une prière assurément portée jusqu’aux cieux. L’écouter et l’entendre, lorsque l’on n’est pas croyant, est un instant qui porte vers le doute et le désir d’admettre…que Mozart pourrait être à lui seul, la preuve, le plus bel argument de la foi en Dieu. Mais chacun porte ses sentiments et ses convictions là où la vie le mène. Restons libres de nos pensées. Il est cependant heureux que des Hommes justifient leur passage par la beauté et nous laissent la jubilation d’entendre » des notes qui s’aiment « . partition du requiem de la main de Mozart » Son dernier souffle fut comme s’il voulait avec la bouche, imiter les timbales de son requiem, je l’entends encore. «
Sophie Haibel, belle-sœur de Mozart
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